Attaque au couteau à Nantes : les enseignants alertent sur la santé mentale des lycéens

Après le drame survenu dans un lycée de Nantes le 24 avril, les enseignants et les personnels de santé de l'éducation attendent des mesures concrètes pour la santé mentale des jeunes.
Jeudi 24 avril, un lycéen a attaqué au couteau quatre de ses camarades au lycée Notre-Dame-de-Toutes-Aides à Nantes (44), tuant une jeune fille de 15 ans. D'abord placé en garde à vue, l'auteur a finalement été interné en hôpital psychiatrique. La ministre de l'Éducation nationale, Elisabeth Borne et Bruno Retailleau, ministre de l’Intérieur, se sont rapidement rendus sur place, mais n'ont pas annoncé de mesures concrètes. Des réactions jugées inadaptées par plusieurs syndicats enseignants qui s’inquiètent de la dégradation de l’état mental des jeunes.
"On pourra mettre tous les murs et les portiques qu'on veut, les élèves resteront des élèves avec leurs familles, leurs problèmes, leur richesse et leurs difficultés", insiste Béatrice Laurent, secrétaire nationale aux politiques éducatives de l'Unsa éducation. La responsable fait référence aux propositions d’intensification des contrôles, qui se sont multipliées suite à l’attaque de Nantes. Le Premier ministre, François Bayrou, a notamment déclaré réfléchir à l’installation de portiques à l’entrée des établissements.
"Comment fait-on, tous les matins, pour filtrer 1.200 jeunes dans un gros lycée ? C’est impossible, souligne Béatrice Laurent. La solution est dans l'éducation et la prévention, mais encore faut-il mettre les moyens, ça ne peut pas se faire sans ressources humaines."
"Beaucoup d'élèves qui craquent"
"Les établissements où il y a des portiques n’empêchent pas de rentrer avec un couteau, mais ont plutôt tendance à créer des attroupements à l’entrée des établissements, ce qui peut être dangereux", abonde Sophie Vénétitay, secrétaire générale du SNES-FSU. Aux yeux des syndicats, la réponse adaptée n’est donc pas dans le renforcement du contrôle, mais dans la prévention, notamment concernant les troubles psychologiques de certains jeunes.
"L'après Covid a été dur, mais c'est même tout le quotidien d'un jeune aujourd'hui qui est difficile. On voit beaucoup d'élèves qui craquent sous la pression au moment de Parcoursup ou des choix de spécialités", explique Sophie Vénétitay. Un état psychologique qui ne cesse de se dégrader ces dernières années chez les élèves et étudiants.
"C’est moins un problème de violence que de santé mentale", acquiesce Béatrice Laurent. Or, sans davantage de personnels "formés à détecter les signes, on arrive à des catastrophes", met-elle en garde.
Une infirmière scolaire pour 1.500 élèves
"Ce qu'il nous faut ce sont des équipes complètes d'adultes formés pour faire face aux problèmes de santé mentale des élèves", affirme Sophie Vénétitay. Car aujourd’hui, les chiffres parlent d’eux-mêmes : pour 12 millions d’élèves, l’éducation nationale ne compte que 7.700 infirmières et 5.000 psyEN . "Ce sont des gouttes d’eau, regrette Béatrice Laurent. On ne peut pas faire de la santé mentale une grande cause nationale en ayant aussi peu de psyEn."
La formation et l’embauche de davantage de personnel seraient donc des premiers pas vers une meilleure prise en charge - et une meilleure détection - des troubles de certains élèves qui pourraient, ensuite, être mieux orientés pour trouver de l’aide, dans et en dehors de l’établissement. "Les jeunes ne sont pas des cerveaux à remplir, ce sont des êtres humains qui viennent avec tous leurs bagages et ne laissent pas leurs problèmes à l’entrée", rappelle Béatrice Laurent.
Repérer les signes
En réponse au drame de Nantes, les infirmières scolaires de l’Unsa ont ainsi alerté, sur les indicateurs d’une possible entrée en psychose chez le jeune. "Quand on est formé, quand on prend le temps d’écouter, on peut les repérer, insistent-elles dans un communiqué. Ces élèves […] doivent bénéficier d'une prise en charge rapide. Cependant, les relais extérieurs manquent cruellement de places et les consultations gratuites demeurent trop peu connues pour être véritablement accessibles."
Si le lendemain de l'attaque, Elisabeth Borne a déclaré que "ce drame met en lumière les enjeux de santé mentale", les syndicats attendent aujourd'hui des propositions plus concrètes. "Nous sommes en plein arbitrage budgétaire, rappelle Sophie Vénétitay. On aurait aimé entendre Elisabeth Borne dire que vu l'urgence de la situation, elle allait porter l'exigence d'un plan de recrutement de psyEn, d'assistantes sociales, d'infirmières scolaires et qu'elle allait porter un travail en interministériel pour prendre en charge la question de la santé mentale."