
Alors que les présidents d'université ne cessent d'alerter sur leurs difficultés financières, le Sénat s’est saisi de l’évaluation du budget de l’enseignement supérieur, à travers son rapport "Améliorer la performance de l'enseignement supérieur : un contrat qui reste à remplir", présenté ce mercredi par la sénatrice Vanina Paoli-Gagin.
Des ressources qui ne suivent pas l’augmentation des effectifs
Depuis l’autonomie des universités, entérinée par la loi de 2007, "nos établissements ont vu leurs ressources et charges croitre considérablement dans un contexte de massification de l’accès aux études supérieures", a souligné la sénatrice en préambule.
En 2024, les établissements ont reçu 14,19 milliards de subvention pour charge de service public (SCSP), soit 2,47 milliards de plus en 10 ans. Mais cette hausse est à prendre avec précaution. D’une part, elle tombe à 2% une fois rapportée à l’inflation, pointe la sénatrice. D’autre part, les effectifs dans le supérieur ont augmenté de 15% en 10 ans.
"Les dépenses ont donc davantage augmenté que les ressources sur cette période", explique-t-elle. "Loin d’avoir augmentées, les ressources propres ont finalement reculé", a ajouté Vanina Paoli-Gagin lors de sa présentation au Sénat.
Instaurer des frais d’inscription progressifs
"Contrairement à une idée reçue, les droits d’inscriptions sont très résiduels" en termes de ressources, a pointé la sénatrice. En 2024, ils ont représenté 2% du total des recettes des établissements. Une situation qui entraine une dépendance accrue des établissements à la subvention de l’Etat.
"Les ressources propres sont limitées par les frais d’inscription fixes", a rappelé Vanina Paoli-Gagin. Elle plaide ainsi pour l’instauration d’un barème progressif de droits d’inscription. Des frais progressifs permettraient selon elle "de rééquilibrer un peu la balance des dépenses et des ressources de nos établissements d’enseignement supérieur publics".
Ils seraient, par ailleurs, "plus porteurs de justice sociale pour nos étudiants », a affirmé la sénatrice. "De tous les systèmes que nous avons pu analyser, je pense que le système des Instituts d’études politiques (IEP) [qui appliquent cette gradation des droits d'incsription] est le plus simple et le plus sain", a-t-elle ajouté.
Des COMP très hétérogènes et un suivi difficile
Concernant les contrats d’objectifs, de moyens et de performance (COMP), lancés en mars 2023 et désormais étendu à l’ensemble des établissements, la rapporteuse a salué un objectif "louable" et "ambitieux" de pilotage à la performance.
Elle a cependant observé "un écart très important entre l’ambition et la réalité". Le rapport met notamment en cause des contrats très hétérogènes selon les établissements, avec des actions parfois structurelles et parfois anecdotiques.
Chacune des trois vagues de COMP a bénéficié d’un investissement de 110 millions d’euros. Une enveloppe qui n’a pas vocation à financer les contrats mais plutôt leur amorçage. En théorie, ces financements sont retirés si les objectifs ne sont pas atteints. En pratique, cela semble difficile.
La sénatrice a en effet déploré un "flou artistique" quant au suivi des objectifs par le ministère. Elle a par ailleurs évoqué "une impression de fixation arbitraire d’objectifs, d’autant que certains paraissent irréalisables en trois ans".
"La loi sur l’autonomie des universités n’a pas été accompagnée de systèmes d’information interopérables entre les établissements et ministère, ce qui est un impensé", a-t-elle précisé. En l’absence d’un système d’information qui permettrait un comparatif entre les établissements et un échange avec le ministère et les rectorats, le suivi est "chronophage et inefficace".
Le suivi des 900 indicateurs s’effectue, en effet, par la voie de documents électroniques envoyés au ministère de l’Enseignement supérieur. "Le ministère n’est en fait pas en mesure d’assurer individuellement le suivi de 900 des indicateurs", pointe la sénatrice.
Une nouvelle génération de COMP
Malgré cette mise en place difficile, le ministre chargé de l’Enseignement supérieur, Philippe Baptiste, a annoncé en avril dernier le lancement de nouveaux COMP. Cette nouvelle génération de contrats ne portera plus sur 0,8% mais sur 100% de la subvention pour charge de service public.
La négociation de ces nouveaux COMP est lancée dès 2025 dans 10 universités des régions Provence-Alpes-Côte d’Azur et Nouvelle-Aquitaine, avant une généralisation du dispositif en 2026.
Vanina Paoli-Gagin s’étonne de ce calendrier, "alors que les bilans intermédiaires de la vague 2 ne sont toujours pas rendus". Pour elle, il n’est "pas opportun de réformer le dispositif avant d’avoir ces retours".
Reprendre la transformation de l’allocation des moyens
De façon plus large, la sénatrice souligne que "la refonte de l’allocation des moyens aux établissements du supérieur était initialement présentée comme le pendant de COMP", le mode de calcul actuel étant "illisible".
Depuis l’arrêt du dernier modèle d’allocation des moyens il y a dix ans, les universités mettent en avant "l'opacité de leurs dotation" et le ministère de l’Enseignement supérieur "ne sait plus vraiment à l’euro ce qu’il finance", alerte la rapporteuse. "Le système actuel est en outre inéquitable car il fossilise des divergences budgétaires entre les établissements", a-t-elle ajouté.
Elle regrette ainsi que le ministère ait renoncé à court terme "au chantier de l’allocation des moyens, sans lequel la contractualisation ne peut avoir de rôle transformant". "Ce chantier toujours repoussé finira bien par être mis en œuvre, et nous pensons que le plus vite sera le mieux", conclut-elle.