Aller sur l'Etudiant Newsletter Mon compte

L. Chaubard (Polytechnique) : "L'école a une place particulière dans IP Paris"

Clément Rocher, Agnès Millet - Mis à jour le
L. Chaubard (Polytechnique) : "L'école a une place particulière dans IP Paris"
L'année 2024 s'annonce stratégique pour l'école Polytechnique avec le changement de président, des statuts et la rénovation du campus. // ©  J.Barande / Institut Polytechnique de Paris
L'année 2024 est un moment stratégique pour Polytechnique. Pour EducPros, Laura Chaubard, directrice générale de l'établissement et présidente du CA par intérim revient sur les grands enjeux de l'école entre la rénovation du campus, l'évolution de ses statuts, ainsi qu’une nouvelle articulation avec l’Institut polytechnique de Paris.
Laura Chaubard, directrice générale de l'Ecole Polytechnique
Laura Chaubard, directrice générale de l'Ecole Polytechnique © Fournie par l'établissement

Nommée directrice générale de l'École polytechnique en octobre 2022 et présidente du conseil d'administration par intérim en septembre 2023, Laura Chaubard assume aujourd'hui toutes les charges exécutives de l'établissement.

Elle évoque les évolutions de gouvernance à venir, ainsi que les différents projets de l'établissement.

OSZAR »

Depuis le départ d'Éric Labaye, en septembre 2023, vous êtes présidente par intérim de l’X. Philippe Varin est pressenti pour être prochainement nommé président de l’X et d’IP Paris. Où en est-on ?

Philippe Varin est pressenti pour prendre les présidences non exécutives de l'X et d'IP Paris. Cela demande la publication de deux décrets, établissant les nouveaux statuts de l'école et d'IP Paris.

Pour IP Paris, il s'agit d'un décret "simple", qui doit être signé par cinq ministres. Pour l'X, le projet de décret doit recevoir l'avis du Conseil d'État, puis passer en Conseil des ministres.

Nous sommes donc à la fin du parcours. Mais, avec les élections législatives, il existe des incertitudes. J'aspire à une continuité de l'État. Lorsque ces décrets seront publiés [NDLR : le décret concernant IP Paris est paru le 16 juillet, au lendemain de la publication de cet entretien] , ce poste de président non exécutif pourra être pourvu.

OSZAR »

Faire de l'IP Paris "une institution de sciences et de technologie de niveau mondial", le défi de T. Coulhon

OSZAR »

Quels changements sont à prévoir dans les statuts de Polytechnique et d'IP Paris ?

Les futurs statuts de l'X prévoient surtout la modification des prérogatives du président et de la direction générale, pour basculer vers une présidence qui garde les orientations stratégiques, tandis que la direction générale est opérationnelle pour la mise en œuvre de la stratégie.

Auparavant, le président était pleinement exécutif, donc ordonnateur des dépenses et des recettes, responsable de la gestion et il était chef d'établissement. Ce ne sera plus le cas : désormais, la direction générale sera le chef d'établissement, comme dans les autres écoles d'ingénieurs.

Du côté dl'IP Paris, c'est Thierry Coulhon qui sera le chef d'établissement [il a été nommé président du directoire d'IP Paris, par un décret publié le 17 juillet].

OSZAR »

L'X et IP Paris sont davantage dissociées avec ces statuts. Quelle articulation existera entre les deux structures ?

C'était une nouvelle étape de la construction d'IP Paris. La question n'est pas de dissocier. Au contraire, il y a un encouragement fort des tutelles à poursuivre l'intégration des établissements.

Nous avons fait le choix d'une alliance entre écoles d'ingénieurs – des établissements qui se ressemblent – donc nous pouvons aller assez loin dans l'intégration.

OSZAR »

Classement 2024 des écoles d'ingénieurs : Polytechnique reste en tête, ENSTA Paris et Mines Paris montent sur le podium

OSZAR »

Cette étape signe-t-elle une perte d'influence de l'X au sein d'IP Paris ?

Ce n'est pas l'objet. Ce qui est sûr, c'est que la double présidence d'Éric Labaye [de septembre 2018 à septembre 2023] a permis de mettre toute l'énergie de l'X dans les premières étapes de la construction d'IP Paris.

Après cinq ans, IP Paris a fait ses preuves dans sa capacité à augmenter l'impact scientifique, à nouer des partenariats internationaux de meilleur niveau et à remporter des appels à projets publics… Nous n'aurions jamais décroché ce niveau de soutien public sans cette démarche commune.

La nouvelle gouvernance donne un fonctionnement plus collégial : c'est une aspiration de l'X et des autres écoles, surtout dans un moment où l'on intègre de nouveaux membres avec l'École nationale des ponts et chaussées (ENPC) et la fusion de l'Ensta Bretagne avec l'Ensta Paris. Il est important d'avoir un collectif équilibré. C'est un dynamisme supplémentaire pour IP Paris.

Je travaille très bien avec Thiery Coulhon et nous partageons la même ambition : aller plus loin en matière d'intégration de stratégie de recherche et de stratégie internationale.

OSZAR »

Polytechnique est donc une école comme les autres dans IP Paris ?

Elle a une place forcément particulière par sa taille, par son ampleur pluridisciplinaire mais elle a également un profil singulier par son caractère militaire. C'est une contributrice de premier plan à IP Paris.

OSZAR »

Comment voyez-vous l'intégration de l'École nationale des ponts et chaussées (ENPC) dans IP Paris ?

Cette intégration se construit depuis plus de deux ans, dans une envie mutuelle. Elle part du constat qu'il existe de nombreux liens, ainsi qu'une complémentarité en recherche, étant donné l'expertise de l'ENPC sur l'environnement ou l'urbanisme durable.

Il nous reste beaucoup de travail pour préciser le fonctionnement commun sur des sujets concrets : le rattachement aux écoles doctorales, les partenariats existants des Ponts et d'IP Paris, … Cela va se mettre en place dans le temps.

OSZAR »

Est-ce que l'ENPC quittera Marne-la-Vallée pour rejoindre les écoles d'IP Paris à Saclay ?

L'ENPC dispose aujourd'hui de 36.000 m², avec des équipements scientifiques, très lourds à déménager. Elle prospecte pour implanter une antenne de 5.000m² d'espaces de recherche sur le campus de Palaiseau et ce, assez rapidement.

Quant au déménagement du campus principal, cela se réfléchit dans le temps et selon les synergies que l'on arrivera à construire. Mais il faut noter qu'une autre école, Télécom SudParis, s'est implantée à Palaiseau, tout en ayant son campus historique à Évry.

OSZAR »

En parlant de campus, Polytechnique lance aussi la rénovation de son ensemble central pour un montant de 130 millions d'euros. Comment financez-vous ce projet, qui s'étalera de 2026 à 2029 ?

Le bâtiment central fête ses 50 ans. Depuis, les performances énergétiques et les usages d'enseignement ont évolué. Pour cela, le bâtiment mérite d'être rénové et modernisé.

Un autre facteur a évolué depuis 1976. À cette date, le bâtiment était posé au milieu d'une base militaire fermée, entourée de champs. Aujourd'hui, nous sommes dans une continuité urbaine, à l'ouest du campus, avec nos partenaires d'IP Paris (Telecom Paris, Ensta Paris et Ensae Paris), des commerces et l'arrivée du métro, prévue pour 2026. Et nous sommes au cœur d'un des plus grands clusters européens scientifiques et technologiques.

Nous voulons nous insérer dans cet environnement et dégager un axe de flux des usagers est-ouest, allant de l'Ensta Paris au métro. Le projet donnera à voir notre mission de production et de transmission de connaissances : les objets visibles de la façade seront la bibliothèque et le musée. Au printemps 2026, nous fermerons le bâtiment central. Un bâtiment éphémère sera construit pour assurer les enseignements.

Près de 90 millions sont inscrits dans notre Contrat d'objectifs et de performance (COP) via une dotation en fonds propres du ministère des Armées, et près de 70 millions d'euros proviennent d'un emprunt, souscrit auprès de la Banque européenne d'investissement.

OSZAR »

D'un point de vue recherche, quelles sont vos priorités avec l'IP Paris ?

La raison d'être de l'Institut polytechnique de Paris [IP Paris est un établissement public expérimental créé en 2019 et qui regroupe l'École polytechnique, l'Ensta Paris, l'Ensae Paris, Télécom Paris et Télécom SudParis] est vraiment d'accroître notre impact scientifique et notre visibilité en matière de recherche.

Nous avons réceptionné un bâtiment "pôle mécanique", qui regroupe ces équipes de recherche. C'est une concrétisation d'une stratégie commune de la recherche.

Nous aspirons à pouvoir transformer le campus pour que d'autres regroupements soient possibles, par exemple, avec un bâtiment rassemblant les équipes de maths et d'IA. C'est un des enjeux de la levée de fonds lancée à l'automne.

Ces trois dernières années, IP Paris a eu un formidable succès dans les réponses des appels à projets, dans le domaine de l'énergie, dans l'IA… Nous sommes au même niveau que l'EPFL (École polytechnique fédérale de Lausanne), en nombre d'enseignants-chercheurs. Il faut continuer à attirer d'excellents profils en leur procurant un environnement de recherche et des équipements d'excellence ainsi que la capacité à s'entourer de doctorants.

OSZAR »

Les partenariats entreprises de votre établissement sont souvent pointés du doigt. Ainsi, le projet d'un centre de recherche TotalEnergie sur votre campus avait finalement été abandonné fin 2022, après une forte mobilisation.

Les attaques contre l'X sont souvent outrancières et mal informées. J'ai répondu point par point à la lettre accusant l'X d'inaction.

C'est toujours plus simple d'être simpliste. L'école reste mobilisée sur un Plan climat qui porte sur l'ensemble de nos activités (recherche, enseignement, innovation et vie de campus) et sur des actions d'impact sociétal.

OSZAR »

En mai, Capucine Pêtre-Spassky a été nommée directrice de la transformation environnementale et sociétale. Une réaction aux critiques ?

Je n'ai pas souhaité cette nomination en réaction à de quelconques attaques. Nos activités de recherche sur le climat remontent déjà à quelques dizaines d'années et nous contribuons aux travaux du Giec.

C'était le bon moment pour créer ce poste et fondre ces plans d'actions dans une vision transverse sur la place et l'impact qu'une école d'excellence en sciences a dans la société.

Il y a un lien fort entre la place de la parole scientifique et la vitalité d'une démocratie. L'école [fondée en 1794] s'est construite avec la République. Il est important de porter notre voix scientifique dans le débat public.

OSZAR »

Votre nouvelle enquête interne sur les violences sexistes et sexuelles montre une hausse en 2024. Quelles sont les mesures prises pour mettre fin à ces VSS ?

Depuis 2022, nous nous sommes engagés à faire une enquête annuelle sur les VSS et à partager les résultats. Elle a comme principale vertu de remobiliser les étudiants et les équipes. C'est un combat de long terme, un fléau qui persiste dans la société. Je suis intimement convaincue qu'il n'y a pas de cas particulier à l'X sur ces sujets.

Nous sommes une des écoles qui a le dispositif de prévention le plus complet. Nous expérimentons des nouveaux formats de prévention comme des pièces de théâtre, des ateliers participatifs. Nous renforçons les formations des responsables étudiants. À la rentrée, nous lançons une plateforme de signalement anonyme en ligne

OSZAR »

Vous avez aussi des ambitions pour l'école à l'échelle des formations. Quels sont vos projets ?

Nous ouvrons à la rentrée un track au sein de notre bachelor, avec l'université Columbia (États-Unis), soit 50 places supplémentaires, à terme. Les élèves auront des cours spécifiques en préparation de leur master sciences de l'environnement à Columbia.

Ce sera aussi la première rentrée de notre bachelor avec l'EPITA et le ministère des Armées. Nous avons eu trois fois plus de candidats qu'il n'y en avait pour le bachelor classique de l'EPITA positionné sur les mêmes contenus. L'État reste un employeur attractif pour les ingénieurs cybersécurité.

En cycle ingénieur, à la rentrée, les élèves de deuxième année suivront un nouveau cours sur les enjeux de développement durable, mis en musique par huit départements scientifiques différents.

Nous avons aussi inauguré un cours sur les équilibres mondiaux, enjeux de souveraineté et de défense. C'est important que nos élèves officiers comprennent dans quels enjeux s'inscrit leur statut militaire. On voit aussi qu'il y a un certain nombre de technologies sur lesquelles se cristallisent les enjeux de souveraineté, en premier lieu l'intelligence artificielle.

OSZAR »

Comment l'école compte-t-elle diversifier ses effectifs étudiants ?

Il faut accompagner les classes préparatoires pour qu'elles soient plus attractives, plus diverses, géographiquement, socialement et en genre, qu'elles évoluent dans l'image qu'elles projettent. Nous montons des partenariats en région pour cela, et contribuons aussi à un CPES au lycée international de Palaiseau.

Il y a des facteurs nouveaux à chaque fois que le système d'orientation évolue. Nous lançons un observatoire dédié à l'orientation en partenariat avec l'Institut des politiques publiques et avons un partenariat avec Index Education, l’éditeur du logiciel Pronote pour regarder les trajectoires et les moments où les biais d'orientation se font. Cela pourrait nous permettre de trouver des moyens d'actions.

OSZAR »
Clément Rocher, Agnès Millet | - Mis à jour le
OSZAR »