
Le 14 décembre dernier, premier jour des vacances scolaires à Mayotte, le cyclone Chido frappait l'archipel, dévastant habitations et paysages. Le cyclone causait la mort d'au moins 39 personnes et faisait 4.260 blessés.
Six semaines après la catastrophe, les élèves retournent aujourd'hui en classe, avec deux semaines de décalage sur leur emploi du temps initial. La semaine dernière, ce sont les enseignants et les personnels qui ont fait leur rentrée. Une semaine administrative pour réfléchir collectivement sur les modalités de la reprise, mais aussi, pour échanger entre pairs.
Une rentrée nécessaire, mais des conditions dégradées
Selon le rectorat, "la majorité des collèges devraient ouvrir avec une jauge différente d'un établissement à l'autre" ainsi que les 11 lycées de l'île "suivant un scénario d'accueil adapté à leurs capacités". Le ministère de l'Enseignement supérieur annonce ce matin que trois collèges et un lycée ne peuvent accueillir les élèves dès aujourd'hui.
Quant aux écoles, 45 resteront fermées tandis que 176 établissements ouvrent leurs portes normalement. "Les élèves seront déplacés vers une autre école de la commune, avec un fonctionnement en rotation complété par du périscolaire", explique encore le rectorat.
Des visites de prévention ont été effectuées dans la totalité des établissements et ont permis de délimiter les espaces sans risque. Plus de 400 personnes sont aussi déployées pour assurer la sécurité des établissements.
Combien de personnels dans les établissements ?
Côté enseignants, 85% des professeurs devraient être présents, cette semaine, dans le 1er degré et 75% dans le 2d degré selon le ministère. A la suite de la catastrophe, de nombreux personnels sont dans l'incapacité matérielle ou psychologique de reprendre le travail.
Une inconnue demeure : le nombre de personnels qui suivront l'appel à la grève. Une grève reconductible débutée lundi 20 janvier, pour dénoncer les modalités de la rentrée mais aussi l'octroi d'une aide exceptionnelle à une partie seulement des agents.
Reprendre contact avec les élèves
Cette semaine de rentrée sera essentiellement dédiée à renouer le contact avec les élèves. "L'objectif, c'est de retrouver les élèves. Mais on sent qu'on fait avec les moyens du bord", détaille Bruno Delize, secrétaire générale CGT Educ'action à Mayotte.
La semaine administrative a permis de dispenser des formations aux personnels afin de mettre à disposition des outils pour l'accompagnement des élèves. Trois cellules d'écoute ont aussi été mises en place à travers l'archipel.
"Il y a un peu de stress", confie Narimane, professeur de français au collège de Zena M'Dere de Pamandzi. "On se demande comment on va retrouver nos élèves. À quel point ils vont être affaiblis, psychologiquement ou physiquement". Dans cet établissement, les après-midis de cette première semaine seront dédiés à l'écoute des élèves par l'assistante sociale et les infirmières de l'établissement.
Malgré tout, Narimane est impatiente de retrouver ses classes. "Il y a une envie majoritaire chez les enseignants et personnels de reprendre", assure Bruno Delize.
Mais des inquiétudes persistent sur la suite. "On était déjà sur des personnels épuisés avant le cyclone : il y avait des problèmes de violence, un manque de moyens criants. Et là, on va repartir pour finir l'année scolaire avec une situation qui n'aura pas changé, voire qui sera extrêmement dégradée."
Quid des classes à examens, des concours pour les personnels, des distributions de repas, des rotations des bus scolaires ? Autant de questions en suspens.
La moitié des locaux de l'université inaccessible
Du côté de l'enseignement supérieur, l'impact est également important. Au Centre universitaire de Mayotte, l'UMAY, "on a perdu la moitié de nos capacités d'accueil", assure Damien Devault, maitre de conférences en biologie et secrétaire du syndicat SNES SUP. En fin de semaine dernière, les équipes s'attelaient encore à jeter des centaines de livres détruits par la pluie, après le passage de le tempête Dikeledi, mi-janvier.
Cette semaine du 27 janvier sera consacrée à une "rentrée sociale", explique l'enseignant. "On attend que les élèves se manifestent, qu'on les accompagne dans leurs démarches. Le problème, c'est qqe nous ne sommes pas des psychologues".
Des solutions à l'étude
Pour les étudiants, la véritable reprise devrait avoir lieu le 3 février. "Mais comment va-t-on faire pour construire des emplois du temps avec une disponibilité des locaux divisée par deux ?" s'inquiète Damien Devault.
Sur les quelque 1.826 étudiants, environ 800 ont pu être recontactés pour l'heure. "Allons-nous assister à des abandons ? Nous aurons aussi sûrement des étudiants, notamment des boursiers, qui feront tout pour continuer", explique le représentant syndical.
La piste des cours en visioconférence a été évoquée, mais la mise en œuvre est difficile dans un territoire frappé par l'extrême précarité et les difficultés de connexion. Celle d'une année blanche aurait été écartée, tout comme l'option de transférer les étudiants vers leurs universités de rattachement dans l'hexagone.
À quelques heures de la rentrée, Damien Devault conclut : "le retour à la normale est loin d'être acquis. Chido a été un révélateur de tout ce qui dysfonctionnait déjà à Mayotte".